Portrait de Franciane Pellet
06/08/2020 – Par l’équipe du Comptoir des Solutions
Un jour arrivant derrière mon poste de travail habituel, un célèbre réseau social m’annonce avoir reçu un message. Comme d’habitude, je l’ouvre me préparant à répondre aux besoins exprimés. Ma surprise lorsque je découvre ce message :
« Bonjour, Je souhaitais partager avec vous quelques idées qui ont suivi le parcours de ma vie. Âgée de 76 ans aujourd’hui, j’ai perdu la main droite à l’âge de 20 mois, lors d’un accident de machine agricole à la campagne. Élevée par une mère dynamique qui voulait que je fasse comme les autres, je me devais de trouver des solutions dans n’importe quelle situation. »
Par la suite, nous avons pu échanger ensemble, lui poser quelques questions lors d’un entretien téléphonique et voici quelques histoires et réponses que nous avons pu récolter.
Samy : Bonjour Madame Pellet, pouvez-vous vous présenter à la communauté ?
Franciane Pellet : Née en Suisse, il y a 75 ans, je m’appelle Franciane Pellet, je suis mariée, j’ai des enfants, des petits enfants, adultes aujourd’hui…ma particularité, je n’ai qu’une main. Nous habitions la campagne, mon père était alors vigneron et à l’âge de 20 mois m’a raconté ma mère, j’ai passé ma main droite dans ce que l’on appelle un hache-paille.
Samy : Votre mère vous a aidé dans votre parcours ?
Franciane Pellet : Ma mère… un personnage très important dans mon éducation. Elle m’a permis de faire ce que font tous les autres enfants, en me trouvant des adaptations à chacune de mes barrières physiques.
Par ex : je devais coudre à l’école, je me piquais le moignon. Elle me fit confectionner une protection en cuir chez un cordonnier. J’appris avec elle à toujours trouver des solutions adéquates. Elle fût pour moi un exemple sans complaisance qui me permit de créer des alternatives tout au long de ma vie.
Samy : Vous avez réussi à passer votre permis, comment cela s’est déroulé ?
Franciane Pellet : Passer le permis de conduire un véhicule ne fût pas plus compliqué. Mais j’eus quelques craintes quant au moyen auxiliaire que je fis confectionner chez le garagiste de mon père : une boîte de conserve capitonnée intérieur et extérieure fixée sur le levier de vitesse. Je rappelle que l’on était en 1962. Ceci aujourd’hui ne serait plus toléré.
L’expert de l’examen me fit faire 4 départs en côte. Et je les réussis de suite. Plusieurs années plus tard, je passais le permis pour le canot/moteur sur le lac, avec la surprise de l’expert qui m’avouait alors
« Je n’avais pas vu que vous n’aviez qu’une main, bravo »
Pour l’équitation, je confectionnais une bride avec des boucles pour mon moignon. Je fis de même pour mon vélo avec un fût fixé sur le guidon.
Samy : Le ski, c’est votre sport préféré, avec un seul bâton du coup ?
Franciane Pellet : Le ski fût une autre expérience. Je suivais un groupe de copines qui pratiquaient le ski de piste, j’avais 18 ans. Venant de la campagne, je ne skiais pas pensant que ce n’était pas fait pour moi… et un jour je voulus quand même essayer avec le matériel d’une de mes amies. Je fis alors une chute imprévue et….décidais de m’acheter des skis.
Je fis partie d’un groupe de skieurs de sport- handicap, avec lesquels je fis moult voyages pour représenter la Suisse. Le plus important fût ma sélection au Jeux Olympiques de Geilo en Norvège en 1980, compétition où je gagnais deux médailles de bronze, derrière 2 américaines. Aux JO la règle était de skier avec un seul bâton, alors que je skiais habituellement avec un équipement de fût sanglé me permettant un équilibre adéquat.
Samy : Quel est votre regard sur le monde de l’innovation et du handicap aujourd’hui ?
Franciane Pellet : Mon regard sur le handicap est un regard neutre, car je ne me suis jamais considérée comme handicapée. Je n’ai jamais ressenti de commisération de la part de ma famille ou d’autres habitants de mon entourage, au contraire plutôt une admiration qui me donnait confiance en moi.
De nature gaie, positive et heureuse, je fais face à toutes les situations. Lorsque je vois toute les possibilités mises à disposition dans toutes les contrées, j’habite personnellement à côté de l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale Lausanne) dans le village de St-Sulpice.
Cette école abrite un secteur de recherches très important, développant des matériaux roulants pour handicapés, des exosquelettes, tout pour les paraplégiques, des prothèses pour amputés etc…
Et que je vois sur Facebook, les mobilisations telles que les vôtres, je ne désespère pas de l’innovation dans ce secteur. Alors merci à vous, vous êtes magnifiques et continuez !
Samy : Un dernier mot pour la fin ?
Franciane Pellet : Encore un mot pour vous dire que une grande partie de ma vie professionnelle a été le milieu des handicapés moteurs IMC ou autre, que aucun handicap ne ressemble à un autre, que le travail de recherches, de propositions et d’informations est indispensable à tous les niveaux et sur tous les continents. Alors merci ?
Nous souhaitons remercier Franciane Pellet pour son témoignage et sa disponibilité, en espérant que ce portrait inspirera !